Selon la volontĂ© de Vincent Peillon de poursuivre la casse de la formation des enseignants, le ministĂšre de l’Ăducation Nationale a scindĂ© les 18h consacrĂ©es Ă lâanimation pĂ©dagogique et Ă la formation continue, celle-ci devant reprĂ©senter « au moins la moitiĂ© des 18 heures et ĂȘtre, pour tout ou partie, consacrĂ©es Ă des sessions de formation Ă distance, sur des supports numĂ©riques »(circulaire n° 2013-019 du 4-2-2013) : 9 h (au maximumâŠ) dâanimations pĂ©dagogiques 9 h (au minimumâŠ) transformĂ©es en actions de formation dites Ă distance.
Pour accĂ©der Ă cette « formation », est apparue la plateforme M@gistĂšre, dâabord sous forme expĂ©rimentale et bientĂŽt gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă lâensemble des Professeurs des Ecoles.
M@gistĂšre, un monde m@gique ?
Au delĂ de lâextase Ă laquelle est censĂ©e se plier toute personne, faute de quoi elle paraĂźtrait ringarde, au-delĂ des vidĂ©os de prĂ©sentation toutes plus « fun » les unes que les autres, au-delĂ du discours attrayant dont le but est de nous faire adhĂ©rer Ă cette forme de « formation », M@gistĂšre prĂ©sente des aspects plus quâinquiĂ©tants quant Ă lâĂ©volution de notre mĂ©tier, Ă la conception mĂȘme de ce que doit ĂȘtre la formation continue et quant Ă nos droits en matiĂšre de formation continue sur notre temps de travail.
De la formation continue au pistage continu !
Si certains IEN affirment quâils ne « fliqueront » pas, ils ajoutent trĂšs vite quâils rencontreront les collĂšgues qui ne se connectent pas, afin de rĂ©soudre ensemble leurs problĂšmes⊠Dâautre part, pour valider chaque parcours de formation, un quizz permet de mesurer la rĂ©ussite de lâenseignant. Ce quizz, visible par tous, est Ă complĂ©ter par des modules supplĂ©mentaires si le score de 100 % nâest pas atteint. Le tout est mesurĂ© par un compteur actualisĂ© toutes les 5 minutes. Atteindre le « nirvana » pĂ©dagogique a un double prix : la surveillance continue par lâadministration et une transparence obsessionnelle et malsaine dans le but de sâassurer que les enseignants font bien leurs heures.
De la formation au formatage⊠à lâisolementâŠ
Certes, les formations Ă©taient parfois imparfaites, ne rĂ©pondaient pas toujours aux choix des collĂšgues, surtout celles flĂ©chĂ©es « obligatoires » ! Mais, avec M@gistĂšre, les contenus et les thĂšmes sont standardisĂ©s et imposĂ©s. AcquĂ©rir une pĂ©dagogie ne passe pas uniquement par un calque de bonnes pratiques filmĂ©es. De mĂȘme, la formation ne peut se dĂ©partir des Ă©changes directs entre formateurs et enseignants, des questionnements, des retours et partages de pratiques. Il faut que chacun puisse sâemparer de sa formation et sâinspirer des autres. Gommer tous ces aspects-lĂ est dangereux et interroge sur la vision et la stratĂ©gie du ministĂšre de l’Education quant Ă la formation des enseignants et Ă la pĂ©dagogie. Cette voie, qui prolonge la politique initiĂ©e par Sarkozy, ouvre la porte Ă des formations Ă distance gĂ©nĂ©ralisĂ©es pour les enseignants, mais aussi pour les Ă©lĂšves. Quant au prĂ©texte de « lâouverture au numĂ©rique » par les enseignants via cette mĂ©thode, c’est une grosse ficelle ! Ceux-ci nâont pas attendu M@gistĂšre pour ĂȘtre connectĂ©s, naviguer sur Internet, prĂ©parer leur classe…
Vers la déréglementation de la formation sur notre temps de travail et un transfert de responsabilités.
PrĂ©sentĂ© comme une avancĂ©e car une libertĂ© gagnĂ©e (position de certaines organisations syndicales !), la formation Ă distance, chez soi, Ă nâimporte quelle heure du soir, du matin, les fins de semaine et jours fĂ©riĂ©s, prĂ©sente de graves remises en cause de notre droit Ă formation et un empiĂštement supplĂ©mentaire sur la vie privĂ©e des enseignants.
Cette formation continue virtuelle, câest la remise en cause de lâobligation lĂ©gale de formation de lâemployeur vis-Ă -vis de ses salariĂ©s et lâabandon du P.A.F. (Plan AcadĂ©mique de Formation) !
Par ailleurs, la relance incessante pour valider les modules de formation risque de faire exploser le nombre dâheures rĂ©glementaires de formation tout en perdant en qualitĂ©. En entrant dans la validation numĂ©rique, on entre dans lâĂ©valuation type PISAâŠ
Et surtout, qui dit formation Ă distance, dit matĂ©riel adĂ©quat⊠Et lĂ se pose la question du financement de ce matĂ©riel. Par cette formation Ă distance, V. Peillon, ministre du gouvernement PS/EELV impose indirectement Ă tous les Professeurs des Ecoles dâavoir chez soi un ordinateur personnel adaptĂ© Ă M@gistĂšre. Ainsi, le ministĂšre voudrait se dĂ©gager une nouvelle fois de ses obligations lĂ©gales dâaccĂšs Ă la formation. En effet, on sait trĂšs bien que les collĂšgues ne rempliront pas leurs heures de formation Ă lâĂ©cole pour de multiples raisons : absence ou manque de matĂ©riel dans certaines Ă©coles pour se connecter Ă M@gistĂšre (en quantitĂ© et performance), problĂšme du temps dâutilisation du matĂ©riel des Ă©coles avec les activitĂ©s pĂ©ri-Ă©ducatives, souhait de ne pas rester le mercredi aprĂšs-midi ou de le faire sur la pause mĂ©ridienneâŠ. Il ne peut ĂȘtre question d’imposer aux personnels l’acquisition ou la possession d’un outil nĂ©cessaire au travail ; c’est bien l’employeur qui a obligation de le fournir !
Pour la CGT ĂducâAction, la formation doit rĂ©pondre aux besoins exprimĂ©s par les personnels et elle doit ĂȘtre humaine. Si le numĂ©rique peut ĂȘtre un des outils de formation, il ne peut en ĂȘtre lâexclusive. Lâinteraction entre les pairs, entre le stagiaire et le formateur ne peut se rĂ©sumer Ă un forum, sorte de barnum pĂ©dagogique. Valider M@gistĂšre, câest surtout faire de trĂšs grosses Ă©conomies pour le ministĂšre de l’Education Nationale (en personnels, en dĂ©fraiements, en stagesâŠ), argument principal non avouĂ© !
Le gouvernement austĂ©ritaire et sĂ©curitaire Ayrault/Peillon/Valls/Duflot (aujourd’hui Valls/Hamon) annonce en effet, dans le mĂȘme temps, 50 milliards de coupes dans les dĂ©penses publiques entre 2015 et 2017, dont 30 milliards en « pacte de responsabilité » qui iront, directement et sans contrepartie, dans les poches du patronat !(1)
(1) Au total, il existe 4 500 dispositifs dâaides publiques aux entreprises privĂ©es, pour un montant total estimĂ© Ă 200 milliards dâeuros par an. La fraude fiscale reprĂ©sente un manque Ă gagner de 80 milliards dâeuros par an, dont 32 milliards de fraude Ă la TVA intracommunautaire. Ce ne sont pas ni les Professeurs des Ecoles ni les smicards qui fraudent ! Quant Ă lâĂ©vasion fiscale, elle reprĂ©sente 50 milliards de recettes manquantes. LĂ encore, ce ne sont pas les bas salaires qui sây livrent…