La pĂ©dagogie est notre outil de travail. Ne laissons pas les entreprises nous l’imposer !
Publié le 03/10/2018 à 17:44

L’association « Agir pour l’Ecole » a fait le forcing, avec l’aval de l’administration, pour imposer des mĂ©thodes et pratiques pour l’apprentissage de la lecture.

La CGT Educ’action s’oppose Ă  ce tour de force venant de cette association qui n’a rien de philanthropique. En effet, « Agir pour l’Ecole » est une association loi 1901 financĂ©e par des fonds publics et par des dons provenant de partenaires privĂ©s tels que le groupe Dassault, la fondation Bettancourt, AXA, la fondation Total… Ces pratiques ne sont pas nouvelles car elles ont dĂ©jĂ  eu lieu dans plusieurs acadĂ©mies au cours des dix derniĂšres annĂ©es.

La CGT Educ’action s’est associĂ©e Ă  d’autres syndicats et associations professionnelles pour dĂ©noncer les pressions administratives visant Ă  nous imposer des « mĂ©thodes pĂ©dagogiques ». Nous rappelons aux collĂšgues de rester vigilants et refuser tout projet « spontsorisé » par une « grande marque », notamment de la grande distribution, qui aurait pour but de faire de nos Ă©lĂšves de futurs exĂ©cutants/consommateurs et non de futurs citoyens Ă©clairĂ©s et Ă©mancipĂ©s.


EVALUATIONS NATIONALES
 AN II

La CGT Educ’action disait l’an dernier ses craintes quant au caractĂšre contreproductif des Ă©valuations CP et 6Ăšme. Nous dĂ©noncions l’absence de concertation sur leur construction, leur caractĂšre obligatoire, l’atteinte Ă  la libertĂ© pĂ©dagogique et le mĂ©pris Ă  peine voilĂ© Ă  l’égard du professionnalisme des collĂšgues. Nous dĂ©noncions aussi les risques d’angoisse pour les familles et les enfants ainsi que l’inadaptation de ces Ă©valuations, tant sur le fond que sur la forme, et ce quel que soit le niveau.

Nous les dénoncions aussi comme étant des outils au service du tri des élÚves, des personnels, des écoles et établissements scolaires.

Mais surtout, la CGT Éduc’action dĂ©nonçait la volontĂ© politique du Ministre de mettre sous tutelle idĂ©ologique les enseignants dans leurs pratiques pĂ©dagogiques.

Malheureusement toutes nos craintes étaient fondées et plus encore.

Cette annĂ©e avec l’extension au CE1, la remontĂ©e nationale des donnĂ©es, la dĂ©possession de l’analyse des besoins de l’élĂšve Ă  la merci du logiciel du ministĂšre, plus aucun doute n’est permis sur les intentions de notre ministre : rĂ©orientation des approches pĂ©dagogiques de l’apprentissage de la lecture, introduction des neurosciences, mais aussi culture de l’évaluation et du classement.

Sous couvert d’une soi-disant caution scientifique qui en rĂ©alitĂ© ne prend pas en compte les avancĂ©es des recherches en didactique, c’est bien une politique Ă©ducative rĂ©actionnaire que l’on veut nous imposer, celle de la reproduction sociale des Ă©lites, loin de viser Ă  l’émancipation de chaque Ă©lĂšve.

Si, sur le fond, la CGT Educ’action reconnaĂźt le rĂŽle primordial des Ă©valuations diagnostiques, elle s’oppose Ă  ce genre de dispositif injonctif. Elle s’oppose aussi Ă  ce systĂšme qui vise Ă  Ă©valuer et rĂ©munĂ©rer les collĂšgues en leur imposant une concurrence entre Ă©coles.

La CGT Éduc’action, face au battage mĂ©diatique organisĂ© par le gouvernement, continuera de soutenir les personnels engagĂ©s dans la bataille idĂ©ologique que le ministre intente autour de l’École. Elle appelle les personnels Ă  se rĂ©unir dĂšs maintenant pour dĂ©cider collectivement de l’utilisation de ces Ă©valuations. Elle soutiendra les Ă©quipes qui s’engageront contre cette idĂ©ologie de la concurrence de tous contre tous, selon les modalitĂ©s qui leur paraĂźtront les plus appropriĂ©es, et interviendra au besoin contre les pressions hiĂ©rarchiques.


CIRCULAIRES BLANQUER, ANIMATIONS PEDAGOGIQUES, A.P.C….

CE QUI VA CHANGER… OU PAS !

En annonçant tour Ă  tour des « nouveautĂ©s » pour les enseignants, le ministre souhaite imposer divers changements aux personnels de l’Education Nationale. Il oublie juste de prĂ©ciser que tous ces changements doivent se faire dans un cadre lĂ©gal pour qu’ils soient applicables
 Et ce n’est pas tout le temps le cas ! Petit tour d’horizon


MĂ©thodes d’apprentissage de la lecture et des mathĂ©matiques

Le Petit Livret Orange de JM Blanquer est une synthĂšse des notes et circulaires de service publiĂ©es en avril 2018 qui veulent imposer aux enseignants une seule et mĂȘme mĂ©thode pĂ©dagogique.

Dois-je suivre ces recommandations-obligations ?

Non ! La CGT Éduc’action rappelle qu’en tant que fonctionnaires d’Etat, nous sommes soumis Ă  des obligations de service et une obligation de suivre la Loi en matiĂšre d’Éducation. Donc, nous sommes tenus de dispenser les enseignements et les savoirs indiquĂ©s par les dits programmes inscrits dans le Code de l’Education, dont l’article L912-1-1 rappelle l’existence de la libertĂ© pĂ©dagogique. Et comme une note de service n’est pas supĂ©rieure en droit Ă  la Loi, pas d’obligation faite aux enseignants Ă  se soumettre Ă  ces injonctions Ă  la rentrĂ©e



Heures et thĂšmes d’animations pĂ©dagogiques imposĂ©s

En demandant aux rectorats et directions dĂ©partementales d’imposer les 18h d’animation pĂ©dagogique aux enseignants, le ministre souhaite que son Petit Livre Orange soit dĂ©clinĂ© dans la formation des personnels
 Suis-je obligĂ© de suivre ces temps de formation imposĂ©s ? Pas tout Ă  fait
 La CGT Éduc’action rappelle que ces 18h sont consacrĂ©es Ă  l’animation pĂ©dagogique mais aussi Ă  des actions de formation continue pour au moins 9h… Dans ce cadre, les collĂšgues ont la possibilitĂ© de suivre autant de formation qu’ils le souhaitent dans le volume prĂ©vu. Nous rappelons aussi qu’ils ne pourront se rendre Ă  des animations pĂ©dagogiques qu’avec un ordre de mission qui couvre leur trajet et leur remboursement (chose de plus en plus rare
). Enfin, nous rappelons que les Heures d’Information Syndicales sont comptĂ©es dans ces 9h d’animations
 Et que chaque enseignant a le droit d’en suivre 3 de 3h par an (soit 9h)



Cadre des A.P.C. imposé

LĂ  aussi, le ministre souhaite imposer des APC autour de la seule lecture et des maths pour faire de la remĂ©diation auprĂšs des Ă©lĂšves en difficultĂ©. Il contourne ainsi l’objectif initial.

Que dois-je faire ?

 

La CGT Éduc’action rappelle que le cadre des A.P.C. n’a pas Ă©tĂ© modifiĂ© dans le Code de l’Éducation et que son article D 521-13 prĂ©cise que ces temps sont organisĂ©s pour aider les Ă©lĂšves rencontrant des difficultĂ©s dans leurs apprentissages, mais aussi pour aider au travail personnel ou pour une activitĂ© prĂ©vue par le projet d’école. De mĂȘme, les temps d’A.P.C. (jour, horaires, midi ou soir…) peuvent ĂȘtre dĂ©cidĂ©s en Ă©quipe.

« L’organisation gĂ©nĂ©rale de ces activitĂ©s pĂ©dagogiques complĂ©mentaires est arrĂȘtĂ©e par l’inspecteur de l’Ă©ducation nationale de la circonscription, sur proposition du conseil des maĂźtres. »

On vous encourage donc Ă  ne pas rĂ©pondre favorablement aux pressions de la hiĂ©rarchie et d’agir collectivement au sein des Ă©coles.


Nous avons des devoirs, mais nous avons aussi des droits. À nous de les faire entendre et respecter. C’est ensemble que nous y arriverons. N’hĂ©sitez pas Ă  vous adresser Ă  la CGT Éduc’action !

« L’approche par compĂ©tences, une mystification pĂ©dagogique»

Depuis une vingtaine d’annĂ©es dans l’enseignement professionnel, une quinzaine d’annĂ©es dans l’enseignement maternel et primaire et une dizaine d’annĂ©es dans l’enseignement secondaire gĂ©nĂ©ral, la notion de « compĂ©tences » a envahi nos champs de travail. Peu Ă  peu, nous avons Ă©tĂ© sollicitĂ©s, puis obligĂ©s, de remplir des carnets de compĂ©tences. Nous mĂȘmes sommes dĂ©sormais Ă©valuĂ©s selon des compĂ©tences. Cette introduction de la notion de « compĂ©tences » dans les champs scolaires ne doit rien au hasard.

L’approche par compĂ©tences a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les entreprises pour les entreprises. Les promoteurs de cette « mĂ©thode » en France regroupent MEDEF, OCDE, ERT, etc.. Cette approche doit ĂȘtre analysĂ©e en fonctions des objectifs qu’elle sert et des besoins auxquels elle rĂ©pond. Si une telle notion est trĂšs intĂ©grĂ©e dans le discours Ă©ducatif officiel, la maniĂšre dont elle a envahi ce dernier champ nous montre qu’elle n’est pas neutre et qu’elle rĂ©pond Ă  des desseins politiques et Ă©conomiques bien prĂ©cis. Nico Hirtt, enseignant belge en physique-chimie, a Ă©tĂ© un des premiers professionnels de l’Ă©ducation Ă  mettre en cause cette approche ; il a cherchĂ© Ă  en analyser les raisons, en remettant dans son contexte Ă©conomique et politique le dĂ©veloppement de cette nouvelle injonction.

Depuis une vingtaine d’annĂ©es dans l’enseignement professionnel, une quinzaine d’annĂ©es dans l’enseignement maternel et primaire et une dizaine d’annĂ©es dans l’enseignement secondaire gĂ©nĂ©ral, la notion de « compĂ©tences » a envahi nos champs de travail. Peu Ă  peu, nous avons Ă©tĂ© sollicitĂ©s, puis obligĂ©s, de remplir des carnets de compĂ©tences. Nous mĂȘmes sommes dĂ©sormais Ă©valuĂ©s selon des compĂ©tences. Cette introduction de la notion de « compĂ©tences » dans les champs scolaires ne doit rien au hasard.

L’approche par compĂ©tences a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les entreprises pour les entreprises. Les promoteurs de cette « mĂ©thode » en France regroupent MEDEF, OCDE, ERT, etc.. Cette approche doit ĂȘtre analysĂ©e en fonctions des objectifs qu’elle sert et des besoins auxquels elle rĂ©pond. Si une telle notion est trĂšs intĂ©grĂ©e dans le discours Ă©ducatif officiel, la maniĂšre dont elle a envahi ce dernier champ nous montre qu’elle n’est pas neutre et qu’elle rĂ©pond Ă  des desseins politiques et Ă©conomiques bien prĂ©cis. Nico Hirtt, enseignant belge en physique-chimie, a Ă©tĂ© un des premiers professionnels de l’Ă©ducation Ă  mettre en cause cette approche ; il a cherchĂ© Ă  en analyser les raisons, en remettant dans son contexte Ă©conomique et politique le dĂ©veloppement de cette nouvelle injonction.

 

Le patronat a toujours eu besoin d’une masse d’emplois partiellement qualifiĂ©s. Ce sont les systĂšmes Ă©ducatifs qui sont chargĂ©s de rĂ©pondre Ă  cette demande .

Cette problĂ©matique est un point fondamental de l’évolution du systĂšme Ă©ducatif, promu par le patronat et les grands organismes internationaux. Il a Ă©tĂ© mis en place dĂšs la loi Fillon de 2005, avec l’introduction du concept de « socle commun ».

L’approche par compĂ©tences permet de crĂ©er des travailleurs plus adaptables et de rapprocher l’enseignement de la vie des entreprises. Depuis Jules Ferry, l’École est assignĂ©e Ă  un rĂŽle exclusif : faire acquĂ©rir aux individus les compĂ©tences qui les rendent employables sur un marchĂ© en Ă©volution permanente, loin de l’idĂ©e de former des citoyens Ă©mancipĂ©s.

On assiste ces derniĂšres dĂ©cennies Ă  une polarisation du marchĂ© de l’emploi (augmentation des emplois hautement qualifiĂ©s et des emplois de service nĂ©cessitant peu ou pas de qualification formelle). Le patronat a maintenant besoin d’une masse d’emplois partiellement qualifiĂ©s. Ce sont donc les systĂšmes Ă©ducatifs qui sont chargĂ©s de rĂ©pondre Ă  cette demande patronale en adaptant leurs enseignements, ce qui en France s’inscrit dans la logique du « Bac – 3 / Bac + 3 ».

L’enseignement par compĂ©tences se prĂ©tend hĂ©ritier des pĂ©dagogies constructivistes en plaçant l’élĂšve au centre de ses apprentissages. C’est faux ! En fait, il marginalise les savoirs et individualise les parcours. Chacun devient ainsi responsable de ses choix, de son orientation, de ses progrĂšs et de ses Ă©checs ce qui permet Ă  l’institution de dĂ©gager sa responsabilitĂ© face Ă  l’échec scolaire, la reportant sur les parents, les enseignants, l’élĂšve, voire le handicap.

Les dĂ©bats ont clairement montrĂ© que l’enseignement professionnel Ă©tait lui aussi de plus en plus touchĂ© avec l’éclatement des diplĂŽmes en « blocs de compĂ©tences » et le glissement progressif des « savoir-faire » vers le morcĂšlement des activitĂ©s en tĂąches.

Il nous est nĂ©cessaire de faire Ă©merger une nouvelle forme de construction des savoirs qui permette un rĂ©el partage du pouvoir, car l’individualisation va Ă  l’encontre de ce que l’on sait des mĂ©canismes d’apprentissages : recherches en psychologie montrant qu’on apprend des autres, avec les autres et aux autres, mais aussi recherches en sciences sociales dĂ©montrant, depuis les travaux du sociologue Pierre Bourdieu, que la volontĂ© personnelle n’est pas le facteur principal de la « rĂ©ussite scolaire » ou de « l’ascension sociale », que celles-ci sont dĂ©pendantes de structures sociales qui dĂ©passent largement les individus.