L’association « Agir pour lâEcole » a fait le forcing, avec lâaval de lâadministration, pour imposer des mĂ©thodes et pratiques pour lâapprentissage de la lecture.
La CGT Educâaction sâoppose Ă ce tour de force venant de cette association qui nâa rien de philanthropique. En effet, « Agir pour lâEcole » est une association loi 1901 financĂ©e par des fonds publics et par des dons provenant de partenaires privĂ©s tels que le groupe Dassault, la fondation Bettancourt, AXA, la fondation Total… Ces pratiques ne sont pas nouvelles car elles ont dĂ©jĂ eu lieu dans plusieurs acadĂ©mies au cours des dix derniĂšres annĂ©es.
La CGT Educâaction sâest associĂ©e Ă dâautres syndicats et associations professionnelles pour dĂ©noncer les pressions administratives visant Ă nous imposer des « mĂ©thodes pĂ©dagogiques ». Nous rappelons aux collĂšgues de rester vigilants et refuser tout projet « spontsorisé » par une « grande marque », notamment de la grande distribution, qui aurait pour but de faire de nos Ă©lĂšves de futurs exĂ©cutants/consommateurs et non de futurs citoyens Ă©clairĂ©s et Ă©mancipĂ©s.
EVALUATIONS NATIONALES⊠AN II
La CGT Educâaction disait lâan dernier ses craintes quant au caractĂšre contreproductif des Ă©valuations CP et 6Ăšme. Nous dĂ©noncions lâabsence de concertation sur leur construction, leur caractĂšre obligatoire, lâatteinte Ă la libertĂ© pĂ©dagogique et le mĂ©pris Ă peine voilĂ© Ă lâĂ©gard du professionnalisme des collĂšgues. Nous dĂ©noncions aussi les risques d’angoisse pour les familles et les enfants ainsi que lâinadaptation de ces Ă©valuations, tant sur le fond que sur la forme, et ce quel que soit le niveau.
Nous les dénoncions aussi comme étant des outils au service du tri des élÚves, des personnels, des écoles et établissements scolaires.
Mais surtout, la CGT Ăducâaction dĂ©nonçait la volontĂ© politique du Ministre de mettre sous tutelle idĂ©ologique les enseignants dans leurs pratiques pĂ©dagogiques.
Malheureusement toutes nos craintes étaient fondées et plus encore.
Cette annĂ©e avec lâextension au CE1, la remontĂ©e nationale des donnĂ©es, la dĂ©possession de lâanalyse des besoins de lâĂ©lĂšve Ă la merci du logiciel du ministĂšre, plus aucun doute nâest permis sur les intentions de notre ministre : rĂ©orientation des approches pĂ©dagogiques de lâapprentissage de la lecture, introduction des neurosciences, mais aussi culture de lâĂ©valuation et du classement.
Sous couvert d’une soi-disant caution scientifique qui en rĂ©alitĂ© ne prend pas en compte les avancĂ©es des recherches en didactique, câest bien une politique Ă©ducative rĂ©actionnaire que lâon veut nous imposer, celle de la reproduction sociale des Ă©lites, loin de viser Ă lâĂ©mancipation de chaque Ă©lĂšve.
Si, sur le fond, la CGT Educâaction reconnaĂźt le rĂŽle primordial des Ă©valuations diagnostiques, elle sâoppose Ă ce genre de dispositif injonctif. Elle sâoppose aussi Ă ce systĂšme qui vise Ă Ă©valuer et rĂ©munĂ©rer les collĂšgues en leur imposant une concurrence entre Ă©coles.
La CGT Ăducâaction, face au battage mĂ©diatique organisĂ© par le gouvernement, continuera de soutenir les personnels engagĂ©s dans la bataille idĂ©ologique que le ministre intente autour de lâĂcole. Elle appelle les personnels Ă se rĂ©unir dĂšs maintenant pour dĂ©cider collectivement de l’utilisation de ces Ă©valuations. Elle soutiendra les Ă©quipes qui s’engageront contre cette idĂ©ologie de la concurrence de tous contre tous, selon les modalitĂ©s qui leur paraĂźtront les plus appropriĂ©es, et interviendra au besoin contre les pressions hiĂ©rarchiques.
CIRCULAIRES BLANQUER, ANIMATIONS PEDAGOGIQUES, A.P.C….
CE QUI VA CHANGER… OU PAS !
En annonçant tour Ă tour des « nouveautĂ©s » pour les enseignants, le ministre souhaite imposer divers changements aux personnels de l’Education Nationale. Il oublie juste de prĂ©ciser que tous ces changements doivent se faire dans un cadre lĂ©gal pour quâils soient applicables⊠Et ce nâest pas tout le temps le cas ! Petit tour d’horizon
MĂ©thodes dâapprentissage de la lecture et des mathĂ©matiques
Le Petit Livret Orange de JM Blanquer est une synthĂšse des notes et circulaires de service publiĂ©es en avril 2018 qui veulent imposer aux enseignants une seule et mĂȘme mĂ©thode pĂ©dagogique.
Dois-je suivre ces recommandations-obligations ?
Non ! La CGT Ăducâaction rappelle quâen tant que fonctionnaires dâEtat, nous sommes soumis Ă des obligations de service et une obligation de suivre la Loi en matiĂšre dâĂducation. Donc, nous sommes tenus de dispenser les enseignements et les savoirs indiquĂ©s par les dits programmes inscrits dans le Code de lâEducation, dont lâarticle L912-1-1 rappelle lâexistence de la libertĂ© pĂ©dagogique. Et comme une note de service nâest pas supĂ©rieure en droit Ă la Loi, pas dâobligation faite aux enseignants Ă se soumettre Ă ces injonctions Ă la rentrĂ©eâŠ
Heures et thĂšmes dâanimations pĂ©dagogiques imposĂ©s
En demandant aux rectorats et directions dĂ©partementales dâimposer les 18h dâanimation pĂ©dagogique aux enseignants, le ministre souhaite que son Petit Livre Orange soit dĂ©clinĂ© dans la formation des personnels⊠Suis-je obligĂ© de suivre ces temps de formation imposĂ©s ? Pas tout Ă fait⊠La CGT Ăducâaction rappelle que ces 18h sont consacrĂ©es Ă lâanimation pĂ©dagogique mais aussi Ă des actions de formation continue pour au moins 9h… Dans ce cadre, les collĂšgues ont la possibilitĂ© de suivre autant de formation quâils le souhaitent dans le volume prĂ©vu. Nous rappelons aussi quâils ne pourront se rendre Ă des animations pĂ©dagogiques quâavec un ordre de mission qui couvre leur trajet et leur remboursement (chose de plus en plus rareâŠ). Enfin, nous rappelons que les Heures dâInformation Syndicales sont comptĂ©es dans ces 9h dâanimations⊠Et que chaque enseignant a le droit dâen suivre 3 de 3h par an (soit 9h)âŠ
Cadre des A.P.C. imposé
LĂ aussi, le ministre souhaite imposer des APC autour de la seule lecture et des maths pour faire de la remĂ©diation auprĂšs des Ă©lĂšves en difficultĂ©. Il contourne ainsi lâobjectif initial.
Que dois-je faire ?
La CGT Ăducâaction rappelle que le cadre des A.P.C. nâa pas Ă©tĂ© modifiĂ© dans le Code de lâĂducation et que son article D 521-13 prĂ©cise que ces temps sont organisĂ©s pour aider les Ă©lĂšves rencontrant des difficultĂ©s dans leurs apprentissages, mais aussi pour aider au travail personnel ou pour une activitĂ© prĂ©vue par le projet dâĂ©cole. De mĂȘme, les temps d’A.P.C. (jour, horaires, midi ou soir…) peuvent ĂȘtre dĂ©cidĂ©s en Ă©quipe.
« L’organisation gĂ©nĂ©rale de ces activitĂ©s pĂ©dagogiques complĂ©mentaires est arrĂȘtĂ©e par l’inspecteur de l’Ă©ducation nationale de la circonscription, sur proposition du conseil des maĂźtres. »
On vous encourage donc Ă ne pas rĂ©pondre favorablement aux pressions de la hiĂ©rarchie et dâagir collectivement au sein des Ă©coles.
Nous avons des devoirs, mais nous avons aussi des droits. Ă nous de les faire entendre et respecter. Câest ensemble que nous y arriverons. NâhĂ©sitez pas Ă vous adresser Ă la CGT Ăducâaction !
« L’approche par compĂ©tences, une mystification pĂ©dagogique»
Depuis une vingtaine d’annĂ©es dans l’enseignement professionnel, une quinzaine d’annĂ©es dans l’enseignement maternel et primaire et une dizaine d’annĂ©es dans l’enseignement secondaire gĂ©nĂ©ral, la notion de « compĂ©tences » a envahi nos champs de travail. Peu Ă peu, nous avons Ă©tĂ© sollicitĂ©s, puis obligĂ©s, de remplir des carnets de compĂ©tences. Nous mĂȘmes sommes dĂ©sormais Ă©valuĂ©s selon des compĂ©tences. Cette introduction de la notion de « compĂ©tences » dans les champs scolaires ne doit rien au hasard.
L’approche par compĂ©tences a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les entreprises pour les entreprises. Les promoteurs de cette « mĂ©thode » en France regroupent MEDEF, OCDE, ERT, etc.. Cette approche doit ĂȘtre analysĂ©e en fonctions des objectifs qu’elle sert et des besoins auxquels elle rĂ©pond. Si une telle notion est trĂšs intĂ©grĂ©e dans le discours Ă©ducatif officiel, la maniĂšre dont elle a envahi ce dernier champ nous montre qu’elle n’est pas neutre et qu’elle rĂ©pond Ă des desseins politiques et Ă©conomiques bien prĂ©cis. Nico Hirtt, enseignant belge en physique-chimie, a Ă©tĂ© un des premiers professionnels de l’Ă©ducation Ă mettre en cause cette approche ; il a cherchĂ© Ă en analyser les raisons, en remettant dans son contexte Ă©conomique et politique le dĂ©veloppement de cette nouvelle injonction.
Depuis une vingtaine d’annĂ©es dans l’enseignement professionnel, une quinzaine d’annĂ©es dans l’enseignement maternel et primaire et une dizaine d’annĂ©es dans l’enseignement secondaire gĂ©nĂ©ral, la notion de « compĂ©tences » a envahi nos champs de travail. Peu Ă peu, nous avons Ă©tĂ© sollicitĂ©s, puis obligĂ©s, de remplir des carnets de compĂ©tences. Nous mĂȘmes sommes dĂ©sormais Ă©valuĂ©s selon des compĂ©tences. Cette introduction de la notion de « compĂ©tences » dans les champs scolaires ne doit rien au hasard. L’approche par compĂ©tences a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les entreprises pour les entreprises. Les promoteurs de cette « mĂ©thode » en France regroupent MEDEF, OCDE, ERT, etc.. Cette approche doit ĂȘtre analysĂ©e en fonctions des objectifs qu’elle sert et des besoins auxquels elle rĂ©pond. Si une telle notion est trĂšs intĂ©grĂ©e dans le discours Ă©ducatif officiel, la maniĂšre dont elle a envahi ce dernier champ nous montre qu’elle n’est pas neutre et qu’elle rĂ©pond Ă des desseins politiques et Ă©conomiques bien prĂ©cis. Nico Hirtt, enseignant belge en physique-chimie, a Ă©tĂ© un des premiers professionnels de l’Ă©ducation Ă mettre en cause cette approche ; il a cherchĂ© Ă en analyser les raisons, en remettant dans son contexte Ă©conomique et politique le dĂ©veloppement de cette nouvelle injonction.
Le patronat a toujours eu besoin dâune masse dâemplois partiellement qualifiĂ©s. Ce sont les systĂšmes Ă©ducatifs qui sont chargĂ©s de rĂ©pondre Ă cette demande . |
Cette problĂ©matique est un point fondamental de lâĂ©volution du systĂšme Ă©ducatif, promu par le patronat et les grands organismes internationaux. Il a Ă©tĂ© mis en place dĂšs la loi Fillon de 2005, avec lâintroduction du concept de « socle commun ».
Lâapproche par compĂ©tences permet de crĂ©er des travailleurs plus adaptables et de rapprocher lâenseignement de la vie des entreprises. Depuis Jules Ferry, lâĂcole est assignĂ©e Ă un rĂŽle exclusif : faire acquĂ©rir aux individus les compĂ©tences qui les rendent employables sur un marchĂ© en Ă©volution permanente, loin de lâidĂ©e de former des citoyens Ă©mancipĂ©s.
On assiste ces derniĂšres dĂ©cennies Ă une polarisation du marchĂ© de lâemploi (augmentation des emplois hautement qualifiĂ©s et des emplois de service nĂ©cessitant peu ou pas de qualification formelle). Le patronat a maintenant besoin dâune masse dâemplois partiellement qualifiĂ©s. Ce sont donc les systĂšmes Ă©ducatifs qui sont chargĂ©s de rĂ©pondre Ă cette demande patronale en adaptant leurs enseignements, ce qui en France sâinscrit dans la logique du « Bac â 3 / Bac + 3 ».
Lâenseignement par compĂ©tences se prĂ©tend hĂ©ritier des pĂ©dagogies constructivistes en plaçant lâĂ©lĂšve au centre de ses apprentissages. Câest faux ! En fait, il marginalise les savoirs et individualise les parcours. Chacun devient ainsi responsable de ses choix, de son orientation, de ses progrĂšs et de ses Ă©checs ce qui permet Ă lâinstitution de dĂ©gager sa responsabilitĂ© face Ă lâĂ©chec scolaire, la reportant sur les parents, les enseignants, lâĂ©lĂšve, voire le handicap.
Les dĂ©bats ont clairement montrĂ© que lâenseignement professionnel Ă©tait lui aussi de plus en plus touchĂ© avec lâĂ©clatement des diplĂŽmes en « blocs de compĂ©tences » et le glissement progressif des « savoir-faire » vers le morcĂšlement des activitĂ©s en tĂąches.
Il nous est nĂ©cessaire de faire Ă©merger une nouvelle forme de construction des savoirs qui permette un rĂ©el partage du pouvoir, car lâindividualisation va Ă lâencontre de ce que lâon sait des mĂ©canismes dâapprentissages : recherches en psychologie montrant quâon apprend des autres, avec les autres et aux autres, mais aussi recherches en sciences sociales dĂ©montrant, depuis les travaux du sociologue Pierre Bourdieu, que la volontĂ© personnelle nâest pas le facteur principal de la « rĂ©ussite scolaire » ou de « lâascension sociale », que celles-ci sont dĂ©pendantes de structures sociales qui dĂ©passent largement les individus.